Entretien avec Polyexpert, membre de la division des plastique
décembre 02, 2021
Les entreprises qui composent la Division des plastiques de l’ACIC font des choses impressionnantes et novatrices pour développer une économie circulaire pour les plastiques au Canada. De la conception des produits aux nouveaux procédés et technologies, les plastiques constituent un choix vraiment durable et l’industrie des plastiques progresse constamment pour être aussi durable et respectueuse de l’environnement que possible. Nous avons rencontré Pierre Sarazin, vice-président de la R&D et Développement Durable chez Polyexpert, de la Division des plastiques de l’ACIC, pour en apprendre davantage sur l’entreprise et sur son approche de la durabilité.
Pour ceux qui ne connaissent pas PolyExpert, pouvez-vous nous donner une idée des types de produits que vous fabriquez et de vos marchés cibles ?
PolyExpert est une entreprise qui produit des pellicules par le procédé du film soufflé. L’entreprise a été fondée en 1979 par M. Gilles Plante qui avait déjà quinze ans d’expérience dans le procédé de soufflage de pellicules. Cela a permis à l’équipe de PolyExpert de développer une expertise pointue sur cette technologie, tout en comprenant les besoins de nos clients.
Nous produisons principalement des films en polyéthylène et des films compostables. Une grande partie de notre activité est consacrée aux films d’emballage alimentaire pour toutes sortes d’applications. Nous travaillons également de plus en plus sur la conception et la production de films sur mesure de haute technologie pour des conversions automatisées très spécifiques. Nous sommes également très présents dans l’emballage industriel, les biens de consommation non alimentaires et les applications de e-commerce, ainsi que dans les films de paillage agricole. Notre engagement environnemental est très présent dans toutes nos activités, puisque nous visons à développer les films les plus respectueux de l’environnement.
Où sont situées vos installations et combien d’employés comptez-vous ?
Notre entreprise est située depuis 42 ans à Laval, dans la région de Montréal au Québec. Nous avons trois centres de distribution, un au Québec et deux aux États-Unis. Nous comptons plus de 115 employés.
Après avoir consulté votre site Web, il est clair que PolyExpert fait du développement durableune priorité absolue. Quelle est la vision et l’approche de PolyExpert en matière de développement durable ?
En effet, c’est notre priorité absolue dans toutes nos activités ! La démarche de développement durable chez PolyExpert a commencé bien avant que le plastique ne fasse la manchette en raison de la dispersion visible des déchets dans l’environnement. Au début, la vision de l’entreprise était de toujours développer pour ses clients le film adéquat et suffisant pour l’application avec le souci du développement durablecomme critère prioritaire. Cela nécessite une connaissance approfondie de la conversion des films, de l’application de l’emballage et de la gestion de la fin de vie.
Il y a cinq ans, sous l’impulsion de Lise Plante, notre directrice générale, un tournant a été pris pour être encore plus actif sur ce front : nous avons établi une approche de planification intégrée et un plan d’action pour améliorer le développement durable de PolyExpert, avec l’aide du groupe de consultants COESIO. Les efforts de l’entreprise ont été reconnus par la CCIL (Chambre de commerce et d’industrie de Laval) avec le Prix du Développement Durable 2019.
Tout cela a conduit à la création d’un département R&D axé sur la durabilité, aujourd’hui composé de deux ingénieurs et de trois PhD. Cela fait une grande différence dans le développement des produits et malgré toutes les demandes de nos clients, nous mettons en œuvre des technologies et des structures de film inédites qui sont actuellement considérées comme des game changers dans l’éco-conception des emballages.
Ce qui est difficile à voir de l’extérieur de l’entreprise, c’est le travail extraordinaire réalisé par l’équipe des Opérations sur la transformation radicale de nos outils de production. Situés au Québec, une région reconnue pour son hydroélectricité, nous bénéficions déjà d’une source d’énergie renouvelable qui nous donne une longueur d’avance. PolyExpert est allée encore plus loin en matière d’efficacité des ressources grâce à plusieurs améliorations : élimination de plus de 90 % de notre consommation d’eau, réduction de 80 % de notre consommation de gaz naturel, recyclage sur place et réutilisation de nos rebuts de plastique et installation de trois silos pleine grandeur pour entreposer la résine post-consommation. Nous avons rendu l’entreprise aussi économe en énergie que possible. Toutes nos actions nous ont permis d’obtenir le niveau 3 de la certification Écoresponsable, vérifiée par Ecocert.
Dans le même ordre d’idées, quelle est l’importance du développement d’une économie circulaire pour les plastiques au Canada ? Quelles sont les étapes clés ou les besoins pour réussir à mettre en œuvre une économie circulaire ?
Le Canada est-il vraiment préoccupé par la mise en œuvre de l’économie circulaire pour les plastiques ? Je serais heureux de rencontrer notre ministre de l’Environnement pour discuter de ce sujet car il a beaucoup d’expérience sur le terrain et je pense qu’il veut vraiment contribuer au développement durable.
Dans son rapport de 2017 (« La nouvelle économie des plastiques : Rethinking the future of plastics & Catalysing action »), la Fondation Ellen MacArthur / Forum Économique Mondial a identifié un ensemble concret d’actions prioritaires. En considérant la part du marché en poids, le rapport conclut : « 1. Sans une refonte et une innovation fondamentale, environ 30 % des emballages plastiques ne seront jamais réutilisés ou recyclés ; 2. Pour au moins 20 % des emballages plastiques, la réutilisation offre une opportunité économiquement intéressante ; 3. Avec des efforts concertés sur la conception et les systèmes après usage, le recyclage serait économiquement intéressant pour les 50 % restants des emballages plastiques. »
L’industrie est déjà en avance dans les 3 catégories et surtout pour les emballages plastiques nécessitant une innovation. Mais pour la partie principale, les 50%, une grande partie des actions nécessaires ne sont pas sous le contrôle de l’industrie de l’emballage et sont des étapes clés pour réussir à mettre en œuvre une économie circulaire : harmoniser & adopter les meilleures pratiques de collecte et de tri, améliorer les processus de recyclage, améliorer les infrastructures de collecte et de tri, mettre en œuvre des mesures politiques & des réglementations, etc. C’est là que les pays doivent s’impliquer, en disposant de connaissances globales précises et en préparant un plan clair débouchant sur des réglementations qui ne peuvent être contournées par des fournisseurs extérieurs à ces pays. N’oublions pas que les principes de l’économie circulaire peuvent être appliqués à de nombreux autres secteurs où les matériaux à récupérer ont encore plus de valeur, économiquement et en termes d’empreinte carbone.
Clairement, l’Amérique du Nord est à la traîne dans ce domaine, malgré la volonté affichée du Canada de faire les efforts nécessaires. Le Canada a initié la Charte sur les plastiques dans les océansen 2018, qui reprenait les grandes lignes des pactes européens pour la circularité des matériaux utilisés dans les emballages. Depuis mai 2021, le gouvernement fédéral a ajouté les » articles manufacturés en plastique » à la liste des substances toxiques, ce qui inclut aussi bien nos billets de dollars canadiens que les masques de protection que nous portons chaque jour pendant la pandémie. Bien que cela puisse avoir un certain mérite (les objectifs sont globalement pertinents), je pense que cela envoie un message incohérent au public en ciblant un matériau au lieu d’adopter une approche systémique du problème des déchets (et pas seulement les déchets plastiques, qui ne sont que la partie » flottante » des déchets…. Il y a des substances réellement toxiques, qui ne figurent pas sur la liste canadienne des substances toxiques).
Peut-être verrons-nous des actions plus concrètes avec la feuille de route du Pacte canadien sur les plastiques à l’horizon 2025, lancée en octobre dernier. Le Pacte a choisi des objectifs similaires à d’autres engagements nationaux et mondiaux, mais en analysant spécifiquement la dynamique canadienne avec des priorités stratégiques.
Très souvent, nos clients dans l’emballage flexible nous contactent parce qu’ils manquent d’outils : ils font des emballages recyclables, que doivent-ils indiquer sur l’emballage ? Le label #2, #4 ? Mais ces codes d’identification (RIC) n’ont pas été conçus pour le recyclage. Prenons par exemple un film tout polyéthylène avec une fraction de résine barrière, avec une approbation de l’APR faite via une lettre de reconnaissance ; comment indiquer au Canada qu’il est recyclable ? Et peut-il effectivement être considéré comme recyclable au Canada ? Le label How2Recycle développée par le SPC et déjà bien représentée sur les emballages des produits vendus au Canada pourrait également constituer une option claire et facile.
L’emballage alimentaire primaire a été particulièrement dénigré ces dernières années, pourtant il est extrêmement essentiel. La remise en circulation des emballages alimentaires sous forme de résines recyclées mécaniquement pour une nouvelle utilisation en contact alimentaire est difficile en raison des problèmes de sécurité alimentaire. Il existe très peu de grades de résines approuvées ou en cours d’approbation par la FDA. En Europe, il y a presque un consensus sur le fait que seules les résines recyclées chimiquement seront autorisées pour un usage alimentaire. Par exemple, St. Johns Packaging, qui est présent au Royaume-Uni, a mis sur le marché britannique un sac à pain contenant un niveau élevé de résine chimiquement recyclée. Pour l’instant, ces nouvelles résines recyclées ne sont pas facilement disponibles en Amérique du Nord, et les volumes fabriqués à l’extérieur sont tous préachetés depuis de nombreuses années en raison de leur rareté.
Si nous voulons réussir à mettre en œuvre l’économie circulaire, il sera essentiel d’adopter une approche systémique. Toute action sur l’emballage peut avoir un impact significatif sur l’ensemble de la chaîne de valeur du produit et sur le bilan environnemental du produit lui-même. Nous pouvons observer que la réduction totale des émissions de GES d’un système s’accompagne parfois d’une augmentation de la contribution de l’emballage à l’empreinte carbone. Il ne faudrait pas que la réduction des déchets par la circularité augmente l’empreinte carbone globale de l’emballage et de son contenu. Ce n’est pas simple ! Rappelons le rôle de l’emballage : il n’est là que grâce au produit. Par exemple, les innovations en matière de recyclage chimique sont incroyables et nous devrons nous assurer que les technologies passent à l’échelle et qu’elles réduisent l’empreinte carbone de l’emballage en plus de la valorisation des déchets. Nous insistons beaucoup sur l’approche au niveau système dans nos présentations et nos messages sur LinkedIn.
Au cours des deux derniers mois, PolyExpert a participé à des panels et des présentations. Pouvez-vous nous en donner un aperçu ?
À partir de 2018, toutes nos présentations ont porté sur l’état des emballages en plastique et ont initialement exploré les études de la Fondation Ellen MacArthur. Nous avons ainsi remporté le prix de la meilleure présentation lors de la conférence SPE FlexPackCon de 2019 pour « L’industrie sera-t-elle prête pour 2025 ? ».
Ensuite, nous avons voulu déconstruire les informations erronées sur les emballages plastiques liées à leur utilité dans nos sociétés. Les emballages plastiques répondent effectivement à un besoin, leur utilité est avérée et ils devraient être abordés selon une approche systémique au lieu d’interdire certains produits. Plus récemment, en raison de faits publiés indépendamment, nous nous sommes concentrés sur le changement climatique et l’empreinte carbone. Par exemple, nous utilisons les rapports de l’ONU comme référence et nous nous appuyons sur des articles de revues scientifiques de premier plan. Il est clair que les plastiques utilisés dans les emballages obtiennent une note très élevée en matière d’efficacité des ressources et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le problème avec les plastiques, ce sont les déchets éparpillés. Les emballages sont révélateurs de nos sociétés surconsommatrices, mais ils ne sont certainement pas la cause de la surconsommation. Globalement, l’utilisation du plastique est bénéfique et occupe une place importante dans la résolution des graves problèmes mondiaux actuels, tels que le changement climatique et la crise sanitaire. La circularité et la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont sont porteurs de beaucoup d’avancementpour les plastiques – et le dénigrement des plastiques y a largement contribué.
Mais n’oublions pas tout le reste : tous les produits manufacturés qui ont une obsolescence programmée ou qui ne sont pas éco-conçus. Leur contribution a un impact bien plus important que l’emballage lui-même, et les principes de l’économie circulaire devraient être appliqués à tous ces produits. Si l’on analyse plus précisément les emballages alimentaires, les études les plus récentes montrent que l’empreinte carbone du produit (production, distribution) est environ 30 fois supérieure à l’empreinte carbone de l’emballage lui-même. Supprimez l’emballage, comme par exemple ce que la France a décidé pour les fruits et légumes non transformés, et le gaspillage alimentaire augmentera encore plus. Les émissions de GES dues aux déchets alimentaires sont déjà bien plus importantes que celles de tous les plastiques, toutes applications confondues.
PolyExpert a des produits innovants et/ou durables que vous aimeriez mettre en avant ?
Actuellement, l’industrie cherche à améliorer la recyclabilité en créant des emballages souples « monomatériaux ». Nous avons conçu une série de films monomatériaux, qui ont remporté un prix régional d’innovation de l’OIQ en 2021 (l’ordre des ingénieurs du Québec). L’innovation vient des caractéristiques du film : possibilité de remplacer des structures non recyclables avec une conversion similaire en emballage et avoir de meilleures propriétés barrières. Les propriétés barrières sont encore limitées, mais cette gamme de film est déjà utilisée dans de nombreux emballages alimentaires qui n’étaient pas recyclables jusqu’à présent.
En cette fin d’année 2021, que nous réserve PolyExpert pour 2022 ?
Nous sommes en train de poursuivre le développement de notre gamme de films monomatériaux. Nous devrions avoir une belle offre de films éco-conçus dans les mois à venir. Ce sera un plaisir de partager avec vous l’évolution de PolyExpert !