Discussion sur le recyclage moléculaire avec Christa Seaman, directrice de la Division des plastiques de l’ACIC

La Division des plastiques de l’ACIC a récemment publié un livre blanc intitulé Recyclage Moléculaire : sur la voie d’une économie circulaire des plastiques qui souligne le rôle important que le recyclage avancé peut jouer dans l’avenir moderne et durable du Canada. Le document explique le paysage actuel du recyclage au Canada, les lacunes et les obstacles au développement d’une économie circulaire pour les plastiques et met en évidence l’opportunité que le recyclage moléculaire offre au Canada, ainsi que des détails sur les investissements et les décisions politiques nécessaires pour développer les capacités de recyclage avancé dans le pays.

Nous nous sommes entretenus avec Christa Seaman, directrice de la Division des plastiques de l’ACIC, pour en savoir un peu plus sur le recyclage moléculaire et sur ce qu’il pourrait signifier pour l’avenir économique et environnemental du Canada.

Pour commencer, il semble que le recyclage moléculaire , ou ce que certains appellent le recyclage chimique, suscite beaucoup d’attention ces derniers temps. De nombreuses informations erronées sont également diffusées. Qu’est-ce que le recyclage moléculaire et pourquoi est-il si important ?

C’est un terme qui est de plus en plus utilisé dans les médias et par le public, ce qui est formidable car il s’agit d’une technologie incroyablement importante pour l’avenir de l’environnement naturel et de l’économie du Canada.

Les technologies de recyclage moléculaire décomposent les plastiques en leurs molécules d’origine qui peuvent ensuite être transformées en de nouveaux produits qui peuvent être recyclés et réutilisés à l’infini sans se dégrader ni compromettre l’intégrité du produit. Essentiellement, les technologies de recyclage moléculaire retransforment les plastiques en leurs molécules d’origine (monomères ou polymères) qui peuvent ensuite être transformées en une vaste gamme de nouveaux produits en plastique.

L’Ontario étudie actuellement le recyclage avancé et détermine le rôle qu’il jouera dans l’avenir du recyclage de la province. Certains groupes ont affirmé que les installations de recyclage moléculaire sont mauvaises pour l’environnement – est-ce vrai ?

L’Ontario est en train de réorganiser son programme de boîtes bleues, qui acceptera un plus large éventail de produits en plastique. En même temps, la province examine le rôle que le recyclage moléculaire jouera dans l’avenir de l’Ontario. Avec l’acceptation d’un plus grand nombre de types de produits en plastique, le recyclage avancé peut contribuer à faire en sorte que davantage de plastiques soient recyclés et n’aboutissent jamais dans les sites d’enfouissement.

Pour atteindre les objectifs de récupération et de recyclage fixés par le Programme des boîtes bleues de l’Ontario, le recyclage mécanique et avancé sera essentiel. Non seulement l’augmentation du recyclage réduira le volume de plastiques mis en décharge, ce qui présente en soi des avantages pour l’environnement, mais le recyclage des plastiques présente également des avantages sur le plan des émissions. Selon une étude récente de Deloitte, une économie circulaire pour les plastiques au Canada pourrait entraîner une réduction annuelle des émissions de GES de 1,8 MT de CO2.

Bien que des investissements supplémentaires soient nécessaires pour étendre les opérations de recyclage moléculaire , il existe un certain nombre d’exemples de réussite d’entreprises canadiennes. Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets ?

Il existe de nombreuses histoires de réussite canadiennes. Deux d’entre elles me viennent à l’esprit : celles de membres de la Division des plastiques de l’ACIC. GreenMantra Technologies est une entreprise de recyclage moléculaire située à Brantford, en Ontario. Sa technologie unique lui permet de traiter divers types de plastiques, y compris de nombreux articles qui ne peuvent pas être recyclés mécaniquement, et de les transformer en produits utiles, notamment différents types d’asphalte, de cires et d’autres produits.

Récemment, GreenMantra a établi un partenariat avec un autre membre du CIAC, NOVA Chemicals, où l’équivalent de 700 000 sacs en plastique a été recyclé, puis transformé en deux sentiers et un parc de stationnement.

L’entreprise québécoise Pyrowave est un autre membre la Division des plastiques de l’ACIC qui fait les manchettes et connaît beaucoup de succès. La société a récemment conclu un accord de développement conjoint avec le groupe Michelin.

Grâce à la technologie innovante de Pyrowave, il est possible de générer du styrène recyclé à partir de plastiques présents dans les emballages, les panneaux isolants et/ou les appareils ménagers. Ce styrène recyclé est utilisé dans la production de polystyrène et de caoutchouc synthétique pour les pneus et toutes sortes de produits de consommation.

Les deux sociétés travaillent ensemble pour accélérer l’industrialisation de la technologie Pyrowave, en vue de sa certification et de son lancement commercial sur les marchés internationaux.

Quels sont les principaux obstacles à l’expansion de la recyclage moléculaire au Canada ?

À l’heure actuelle, l’un des principaux obstacles au recyclage moléculaire est de trouver suffisamment de plastique post-consommation pour disposer d’un approvisionnement régulier et répondre à la demande potentielle.

De nombreuses marques mondiales mettent en place des contenus recyclés minimums, ce qui crée déjà une demande de plastique recyclé dans les emballages et d’innombrables produits en plastique importants. On prévoit que la demande de plastique triplera d’ici 2050 et que 60 % de cette demande peut être satisfaite par des plastiques recyclés. Des programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) sont mis en œuvre dans les provinces du Canada et contribueront à augmenter les taux de collecte et de récupération des plastiques post-consommation.

Un autre obstacle important est la technologie désuète des installations de triage. Il est essentiel d’investir dans la technologie moderne, notamment dans les capteurs optiques de pointe, l’intelligence artificielle et la robotique. Ces investissements permettront à toutes les installations de recyclage de disposer d’une matière première de meilleure qualité, triée et cohérente.

Actuellement, l’offre de plastiques recyclés ne répond qu’à six pour cent de la demande réelle. Selon Environnement et Changement climatique Canada, le manque de capacité des infrastructures de recyclage nécessitera un investissement en capital de 4,6 à 6,5 milliards de dollars. Il est donc nécessaire que le gouvernement et l’industrie travaillent ensemble pour investir dans la mise à l’échelle et la commercialisation de la technologie des RA. C’est pourquoi plastiques de l’ACIC a exhorté les gouvernements fédéral et provinciaux à collaborer avec l’industrie pour créer un fonds public-privé d’innovation et d’infrastructure pour les plastiques circulaires.

L’objectif ultime est de développer une économie circulaire pour les plastiques au Canada, une économie où les plastiques sont reconnus et réutilisés comme une ressource précieuse plutôt que comme des déchets. Beaucoup soulignent que le recyclage moléculaire ne peut pas tout faire et que le recyclage mécanique aura un rôle clé dans les années à venir. Pensez-vous que les deux types de recyclage sont nécessaires pour atteindre cet objectif ?

Le recyclage mécanique et le recyclage moléculaire jouent tous deux un rôle important dans le développement d’une économie circulaire pour les plastiques au Canada.

Alors que le recyclage mécanique fonctionne bien pour les plastiques tels que les bouteilles de boisson, le recyclage avancé permet d’utiliser les plastiques difficiles à traiter mécaniquement, comme les sachets souples multicouches, les plastiques de qualité alimentaire et cosmétique, et les textiles.

C’est là que le recyclage moléculaire entre en jeu. Au fur et à mesure des progrès technologiques, ces deux systèmes travailleront main dans la main.